RECHERCHE
Mon travail artistique est cosmopoliltique (Stenghers), il interroge l’ensemble des formes sensibles et symboliques qui témoignent de nos « mondiations » (Descola), c’est-à-dire de quelle manière un collectif donné énonce le monde, de comment se pense le vivre-ensemble et par là même de quelle façon se vit et se mentalise la limite entre les autres (humains et non-humains) et soit. S’appuyant volontiers sur une ontogenèse héritée du tournant ontologique (Latour, Descola, Ingold, Khon), mes productions artistiques sont des écopraxies, des moments de paniques sémiotiques où l’on remet sur le chantier les chaines sémiotiques vivantes qui fabriquent nos mondes.
J’ai alors fait le choix d’une plasticité labile, mutable et mobile qui traverse tous les étants et qui pense une sémiose à son image. Alors mon atelier est nécessairement interdisciplinaire, voire outredisciplianire, c’est-à-dire au-delà des hashtags faciles qui classent, dressent des murs, et établissent des dichotomies faciles héritées de notre culture naturaliste occidentale. Au contraire, ma pratique renouerait avec l’informe (Bataille) : elle déclasse, elle met perpétuellement à mal la stabilité des substantifs.
De ce fait, ma pratique est une suite d’agencement hybride, qui mêle, texte, son, objet, image et qui cherche désespérément à rendre manifeste les liaisons, les points de couture de ces assemblages et des maillages spatio-temporels qui manifestent les coordonnées de notre collectif sur l’horizon [cosmos _socius_intime] par lequel il se détermine. Mais dans le même moment, ce qui fait « œuvre », nomade, devient un espace centrifuge de métamorphoses, de confrontations et de contaminations. Couture, métissage et rhapsodie sont les gestes poétiques privilégiés de mon atelier auscultant notre « grand cluster vivant ». À ce titre, mon atelier est l’espace d’un déruschage perpétuel des mondes qui m’entourent.
Plasticien ouvert à tout polymorphisme, à toute mutabilité, je me définis comme un « bricoleur » enchevêtrant les supports qu’ils soient numériques, picturaux ou sonores, comme le vecteur d’un langage plastique indocile, autrement dit, qui résiste à l’apprentissage des signes et remet sans arrêt l’arbitrarité et l’inégalité des signes qui construisent le réel sur la table d’opération. Musiques vagabondes, installations sauvages (mais qui respectent leur milieu), dessins, photographies, peinture et écritures, au diapason d’un présent comme il tombe, interrogent la mémoire collective, l’identité et l’uniformisation mondiales promues par une loi de marché globalisante et toutes les sémiocraties en vigueur escampent ! Mes productions veulent remettre sur le chantier les modalités d’habitabilité des mondes et font l’hypothèse d’un autre monde sensible possible.
Notre atelier est un modèle des cosmopolitiques sensibles possibles. Il conduit la recherche en art et avec l’art à une écopraxie : la fabrique renouvelable de l’ensemble de conditions favorables à la vie du collectif, le plus large possible, sans frontières et sans murs.
Mots clés: interdisciplinarité, intermédialité, transdisciplinarité, outredisciplinarité, art sonore, plasticité, sémiotique plastique, écopraxie
Keywords: interdisciplinarity, intermediality, transdisciplinarity, sound art, plasticity, plastic semiotics,ecopraxis
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"Un recueil de disjonctions entre les choses, une réunion d'intensité traversant les choses (...]" G. Didi-Huberman, "Q comme Quad", Objet Beckett, p. 118.